Cette série d'articles revient sur les idées reçues les plus courantes relatives au financement des start-ups, TPE (Très petites entreprises) et PME (Petites et moyennes entreprises).
Pour voir l'idée reçue n°5 : les marchés financiers ne jouent pas le relais de financement en fonds propres ou en dette lorsque les petites entreprises grandissent
Idée reçue n°6 : les perspectives de financement à venir des start-up et petites entreprises se dégradent encore
Plusieurs éléments économiques, réglementaires
et fiscaux viennent assombrir les perspectives de financement des entreprises.
1. Une diminution des levées de fonds
à craindre dans le capital investissement
Les levées de fonds opérées par les acteurs du
capital investissement en 2011, à 6,5Mrds€, sont en hausse de 28% par rapport à
2010, mais restent bien en-deçà des niveaux de 2006 (10,3Mrds€).
Les investissements en capital risque sont
restés stables en 2011, à 597 M€, mais les levées de fonds ont plongé de près
de 27 %, passant de 619M€ à seulement 451M€.
Les levées de fonds auprès des particuliers
et des investisseurs institutionnels (assurances, banques…) risquent néanmoins
de diminuer, sur le marché du non coté sous l’effet :
- de la crise financière, qui réduit les liquidités à placer. Les acteurs ayant investi en Bourse ont vu leurs actifs diminuer de valeur, ce qui ne leur permettra peut-être pas de réaffecter ces sommes vers des entreprises non cotées ;
- d’une faible rentabilité des placements effectués sur les sociétés non cotées. Les rendements sont très variables d’un investissement à un autre, d’un fonds à un autre, mais font état d’une rentabilité globale relativement faible, et ce principalement sur l’amorçage et le capital risque. Les institutionnels anticipent des pertes relativement conséquentes sur leurs placements dans le non coté ;
- des contraintes réglementaires Bâle 2 et Bâle 3 pour les banques, Solvabilité II pour les assureurs, qui réduisent encore la rentabilité des investissements dans le non coté.
Approfondir : les
réformes Bâle 2, Bâle 3 et « Solvabilité II »
Bâle 2, Bâle 3 sont de nouvelles réglementations applicables aux
banques (Bâle 2 / Bâle 3) et Solvabilité II, aux assurances. Elles visent
à introduire davantage de stabilité dans le monde de la bancassurance, en
imposant à ces institutionnels un montant minimum de fonds propres et de
liquidités disponibles, pour pouvoir faire face à des chocs économiques, à des
impayés massifs de la part de leurs clients ou à des événements imprévus, seraient
de nature à les fragiliser financièrement.
Ces réglementations imposent un corpus de normes, destinées à mieux
apprécier, anticiper et communiquer sur le risque pris par ces institutionnels,
notamment au travers des prêts fournis ou des placements financiers qu’ils
réalisent.
Très schématiquement, plus les banques et assureurs prêtent à des
« clients » risqués ou investissent leurs liquidités dans des
placements à risque, plus ils doivent constituer des « réserves »
pour pouvoir faire face à des pertes éventuelles.
-
Bâle 2, déjà appliqué chez les établissements
financiers, a renforcé les règles qui prévalaient déjà en matière de ratio de
solvabilité minimum. Par exemple, une banque qui prête 100€ à une entreprise, doit
conserver en moyenne entre 1,6€ et 12€ en fonds propres, sortes de réserves
destinées à se prémunir contre un risque d’impayé de son client. Ainsi, plus
elle prête aux entreprises, plus elle doit immobiliser des ressources
improductives. Or, ces ressources ont un coût, puisque les banques doivent
elles-mêmes généralement les emprunter sur les marchés financiers.
-
Bâle 3,
appliqué dès 2013, exige notamment des banques qu’elles respectent un ratio de
liquidité minimum, attestant de leur capacité à pouvoir débloquer des
liquidités à tout moment. Plus les investissements et les prêts accordés sont
importants, plus le montant de liquidités requis est élevé. De la même façon
que pour Bâle 2, les banques doivent ainsi augmenter leurs réserves.
-
Solvabilité II entre en vigueur début 2013 et,
un peu à la manière de Bâle 2, impose aux assureurs un montant de fonds propres
minimum par rapport à leurs actifs détenus. Tout investissement dans le non
coté doit désormais faire l’objet de fonds propres au bilan des assureurs.
Conséquences sur les prêts et
investissements auprès des entreprises non cotées
Pour le même montant prêté ou investi, les banques et assurances doivent
désormais elles-mêmes mobiliser (ou emprunter) davantage de ressources, pour
maintenir des ratios de fonds propres et de liquidité aux niveaux requis par la
réglementation.
Ce phénomène se peut alors se traduire par :
- une raréfaction du crédit : les banques ne peuvent pas toujours
se refinancer sur les marchés à hauteur des montants qu’elles prêtent. Ceci les
contraint donc à limiter les financements accordés ;
- un renchérissement du crédit : étant donné que les banques doivent
davantage emprunter, pour un même montant prêté, elles répercuteront ce coût
sur les taux d’intérêt ;
- une sélectivité accrue des investissements en capital : compte
tenu de la moindre rentabilité de ces opérations, du fait des ratios minimaux
de fonds propres et de liquidité, les institutionnels auront tendance à n’investir
que dans des projets présentant les rendements potentiels les plus importants.
2. Resserrement et renchérissement du
crédit bancaire
Les réglementations Bâle 2 et Bâle 3 (cf. encadré
ci-dessus) imposent notamment aux établissements bancaires d’augmenter leur
ratio « fonds propres / prêts fournis aux clients » et à répercuter
plus largement le risque qu’elles prennent sur le taux d’intérêt pratiqué.
Ces réformes ont donc deux conséquences à
court terme :
- une tendance au resserrement des prêts fournis aux entreprises,
- le renchérissement du coût du crédit.
Des mesures fiscales destinées à
favoriser l’investissement des particuliers de moins en moins incitatives
Les pourcentages d’investissement déductibles dans
les sociétés non cotées ont été progressivement abaissés, s’établissant à 50%
pour l’ISF et 18% pour l’IR en 2012, pouvant laisser craindre un désengagement
progressif des particuliers.
Des
incitations fiscales qui s’érodent
A retenir :
Idée
reçue n°6 vraie : les changements économiques,
réglementaires et fiscaux risquent de ralentir la production de crédit en
France et de durcir l’accès au capital investissement.